Cérémonie : Journée nationale d’hommage aux victimes de l’esclavage colonial, le 23 mai 2024

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« Mesdames et Messieurs,

Avant de commencer mon discours, je tiens à remercier l’AC DOM-TOM pour sa participation active aujourd’hui. L’association est présente depuis plusieurs années sur notre territoire mais qui depuis maintenant 1 an et demi, nous avons retissé des liens avec notre commune et je tiens à vous remercier. J’adresse un merci tout particulier à Françius Boudhan, un Persanais qui est notre interlocuteur privilégié et ami. Merci pour votre belle représentation.

Mes chers amis, nous sommes réunis aujourd’hui afin de commémorer, pour la première fois à Persan, l’abolition de la traite et de l’esclavage, en cette place dont le nom est fort de sens, la place Nelson-MANDELA.

En cette date du 23 mai, ce sont toutes les victimes de l’esclavage à qui nous rendons hommage.

L’histoire de l’abolition est singulière, différente pour chaque territoire :
le 9 décembre 1846, l’esclavage est aboli à Mayotte,
le 22 mai 1848, l’esclavage est aboli en Martinique,
le 27 mai 1848, l’esclavage est aboli en Guadeloupe,
le 28 mai 1848, l’esclavage est aboli à Saint-Martin,
le 10 juin 1848, l’esclavage est aboli en Guyane,
le 20 décembre 1848, l’esclavage est aboli à La Réunion.

Nous sommes réunis pour refuser l’oubli et affirmer notre volonté de nous souvenir.
Nous souvenir de ces millions de femmes et d’hommes victimes dans leur chair et dans leur âme d’un système fondé sur une injustice séculaire ;
Nous souvenir de cette entreprise de déshumanisation qui a duré plusieurs siècles, à l’échelle de plusieurs continents. Une tragédie, qui a vu la déportation en masse d’hommes, de femmes, d’enfants, arrachés à leur terre et convoyés comme des animaux ;
Pour ne pas oublier que les esclaves étaient classés au rang de “biens meubles”, par le Code noir, promulgué en 1685, ce qui leur déniait la qualité d’homme ;
Pour refuser l’oubli du long combat de tous ceux qui n’ont jamais cédé à la déshumanisation qui leur était faite, qui ont lutté au péril de leur vie pour des idéaux de liberté, d’égalité et de fraternité ;
Pour ces hommes et ces femmes qui ont lutté pour leur dignité, le respect de leurs droits fondamentaux d’être libre.

La lutte pour la reconnaissance a été longue. Le vote de la loi Taubira du 21 mai 2001 a marqué une évolution importante sur ce chemin difficile mais nécessaire, en reconnaissant la traite et l’esclavage comme des crimes contre l’Humanité, ineffaçables et imprescriptibles.

En 2008, Nicolas Sarkozy a décidé que : « c’est l’histoire de cette lutte qui [devait] être inscrite dans les manuels scolaires » afin que nos enfants puissent comprendre ce qu’a été l’esclavage, que nos enfants puissent mesurer les souffrances engendrées, et les blessures laissées, afin de ne pas oublier cette tragédie et par la connaissance faire en sorte que jamais elle ne puisse se reproduire.

Cette année a été marquée par la disparition de Maryse Condé qui s’est éteinte à l’âge de 90 ans.
Maryse Condé était une femme et une écrivaine engagée qui nous a laissé une œuvre colossale et un parcours de vie incroyable.
Écrivaine et romancière à succès, elle fut aussi professeure et journaliste.
Elle abordera inlassablement l’esclavage, le colonialisme, l’identité, pour éveiller les esprits, pour ne pas oublier.

Maryse Condé disait : « En tant qu’écrivaine, je suis toujours un peu effrayée d’avoir à parler de l’esclavage, surtout quand j’essaye de le faire à des enfants. C’est tellement énorme, tellement injuste, tellement arbitraire, que finalement essayer de faire rentrer un pareil phénomène dans une réalité que des jeunes peuvent accepter c’est pratiquement impossible. Tandis que l’histoire, qui se base sur des faits précis, de données, l’histoire me paraît mieux armée que la littérature. »

Je tiens à lui rendre un hommage solennel en ce jour et lui emprunter cette citation : « Les morts ne meurent que s’ils meurent dans nos cœurs. Ils vivent si nous les chérissons, si nous honorons leur mémoire, si nous posons sur leurs tombes les mets qui de leur vivant ont eu leurs préférences, si à intervalles réguliers nous nous recueillons pour communier dans leur souvenir. Quelques mots suffisent à les rameuter, pressant leurs corps invisibles contre les nôtres, impatients de se rendre utiles ».

Je m’étais engagé pour que la Ville de Persan puisse avoir un jour un lieu de recueil et que cette journée du 23 mai devienne, pour nos associations qui regroupent les Persanais d’Outre-Mer et ceux de l’Hexagone, la date de commémoration de l’abolition de l’esclavage et du souvenir de ce passé douloureux de leurs aïeux.

Que l’on me comprenne bien : ce n’est pas parce que je m’y étais engagé que je le fais.
C’est parce que je crois sincèrement que c’est juste et nécessaire.
Je m’y étais engagé, je le fais. C’est dans cet ordre-là que les choses fonctionnent.

Je l’ai énoncé au début de mon propos, et je souhaite m’arrêter un temps pour vous expliquer pourquoi nous avons choisi ce lieu.

Cette place porte le nom de Nelson Mandela, un grand homme qui a compris bien plus tôt que certains, que si nous souhaitons vivre ensemble il faut savoir pardonner. Pardonner ne veut pas dire oublier, ou négliger le passé.
Le passé est le fruit d’une histoire. Agissons ensemble pour une « nation arc-en-ciel » comme le souhaitait Nelson Mandela et veillons à ne pas revivre le passé.

C’est pour cette raison que nous avons souhaité cette cérémonie ici même, dans cet espace.
Cette place sera repensée et restructurée cette année afin qu’elle devienne un lieu accueillant.
Ce chantier permettra la mise en terre de cet olivier, arbre symbole de paix, de confiance, de victoire et de force.

Nous souhaitons aussi installer un buste de Maryse Condé, car il est important pour nous de mettre en avant une femme aussi engagée contre l’esclavage, jusqu’à en devenir la présidente du Comité pour la Mémoire de l’esclavage, créé en janvier 2004.

Nous aurons l’occasion de faire une belle inauguration et une grande cérémonie l’année prochaine. »